Syncope

PROTOCOLES

Voir aussi

Généralités

Unconscious patient. Rembrandt, Public domain, via Wikimedia Commons.

La syncope se définit comme une perte de conscience et de tonus postural transitoire, secondaire à une altération diffuse abrupte et réversible de la fonction cérébrale, avec un retour rapide à l’état de base antérieur. Au niveau physiopathologique, elle résulte en une réduction soudaine d’oxygénation et d’apport de glucose au niveau du cerveau.

La plupart des syncopes chez l’enfant et l’adolescent sont bénignes et d’origine vasovagale. L’apogée de son incidence s’observe à l’adolescence et elle est plus fréquente chez la fille. Aucune investigation n’est nécessaire lorsqu’un questionnaire détaillé et un examen physique sans anomalies suggèrent ce diagnostic. Par contre, des conditions plus sérieuses surtout d’origine cardiaque peuvent être en cause. Les indices cliniques suggérant d’autres étiologies que vasovagales seront reconnus à l’histoire et l’examen physique et la prise en charge sera alors orientée selon les diagnostics suspectés.

ÉVALUATION

Diagnostic différentiel

A- Syncope Vasovagale (neurocardiogénique, vagale, vasodépressive, cardio-inhibitrice, autonomique)(Incidence 64-73% )

Tower of London, Steve Collis, via Wikimedia Commons
Tower of London, Steve Collis, via Wikimedia Commons
  •  Est généralement associée à des éléments déclencheurs physiques ou émotionnels :
    • Station debout prolongée, dans une foule, dans un environnement chaud
    • Lors d’une injection ou un prélèvement sanguin, douleur aiguë
    • Toux, vomissements,
    • Émotion forte
    • Post exercice ou effort intense…
  • Précédée d’un prodrome classique :
    • Étourdissement, vision embrouillée, faiblesse, nausées
  • Favorisée par les situations suivantes :
    • Déplétion volémique:
      • Déshydratation, trouble du comportement alimentaire, jeûne, chaleur, grossesse (déplétion volémique relative), perte sanguine, …
    • Orthostatisme
    • Valsalva (post effort intense)
    • Réflexe (toux, miction, défécation, douleur, jeu de strangulation, spasmes du sanglot, peigner les cheveux, émotion forte,…)

B- Syncope d’origine cardiaque (incidence 2.9 – 4.8%)

  • Cardiomyopathy hypertrophic. Blausen Medical Communications, via Wikimedia Commons

    Anomalies cardiaques structurales :

    • Obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche
      • Cardiomyopathie hypertrophique
      • Sténose valvulaire aortique sévère
      • Sténose sous-aortique
    • Obstruction de la chambre de chasse du ventricule droit
      • Hypertension pulmonaire primaire
      • Sténose pulmonaire sévère
      • Embolie pulmonaire
    • Obstruction au remplissage
      • Tumeur auriculaire
    • Épanchement péricardique avec tamponnade
    • Prolapsus mitral
  • Arythmies :
    • Bradycardie
      • Maladie du noeud sinusal, idiopathique ou post-opératoire
      • Bloc AV complet, idiopathique ou post-opératoire
    • Brugada ECG characteristics, CardioNetworks ECGpedia, via Wikimedia Commons

      Tachycardie supraventriculaire

      • Syndrome de préexcitation – Wolff Parkinson White
    • Tachycardie ventriculaire
      • Syndrome QT long – familial – idiopathique acquis – médicamenteux (antiarythmiques, ADTC, arsenic)
      • Syndrome QT court
      • Syndrome de Brugada
      • Tachycardie ventriculaire polymorphique cathécolaminergique
      • Cardiomyopathie (hypertrophique, dilatée, restrictive, arythmogène du ventricule droit)
      • Post chirurgie cardiaque

 

 C- Syncope d’origine neurologique (incidence 2.1 – 4.6%)

  • Convulsions
  • Migraine basilaire

 D- Syncope d’origine psychologique (incidence 2.2 – 2.3%)

  • Conversion
  • Hystérie
  • Hyperventilation

E- Syncope d’origine métabolique / toxique (incidence 0.8%)

  • Hypoglycémie
  • Intoxication au monoxyde de carbone
  • Intoxication médicamenteuse

F- Syncope d’origine inconnue (incidence 8.2 – 18.9%)

Histoire

L’histoire doit s’attarder sur les symptômes accompagnant la syncope et le contexte dans lequel elle survient dans le but d’éliminer les conditions plus sérieuses voir potentiellement fatales (cardiaques).

Toujours s’assurer de bien vérifier les antécédents personnels (cardiopathie), familiaux (cardiopathie ou mort subite) et la prise de médicaments.

Contexte: évènements précédant la syncope

  • Contexte suggérant une étiologie cardiaque:
    • Per effort
    • Bruit causant un sursaut : suspecter un syndrome du QT long
    • Saut dans eau froide : suspecter un syndrome du QT long
    • Post émotion: cause vagale fréquente. Rarement la tachycardie ventriculaire polymorphique catécholaminergique peut être déclenchée par une émotion forte
  • Contexte où la cause vagale est fréquente:
    • Post effort: lorsque survient immédiatement après un effort, suggère plutôt une étiologie vagale
    • Post douleur aigüe
    • Changement postural : la station debout prolongée ou lors du changement de la position assise ou couchée à la position debout favorise la syncope vagale, particulièrement dans un environnement chaud ou lors d’un jeûne
    • Déplétion volémique: déshydratation causée par une maladie aigüe, un trouble de conduite alimentaire, un saignement, une hypovolémie relative telle la grossesse
    • Post valsalva: effort de toux, miction, selles, spasme du sanglot, jeux de strangulation
    • Post hyperventilation
    • Réflexe vagal: Peigner les cheveux

Description de l’événement

Doit préciser les symptômes ressentis par l’enfant qui sont survenus juste avant la syncope mais également la description de l’événement lui-même par des témoins qui auraient pu être présents.

  • Prodrome: Aspect le plus important à l’histoire.
    • La syncope vasovagale est généralement précédée d’un prodrome classique lié à une dysfonction neurovégétative : étourdissements, faiblesse, hypersudation, nausées, symptômes visuels (vision trouble ou tunnel, perte de vision).
    • L’absence de prodrome devrait faire suspecter une autre étiologie de la syncope dont une étiologie cardiaque.
  • Lors d’une hypotension orthostatique ou d’une syncope vagale, les symptômes peuvent récidiver si l’enfant tente de s’asseoir ou de se lever rapidement après l’événement.
  • Les palpitations et/ou la douleur thoracique précédant la syncope doivent faire penser à la possibilité d’une étiologie cardiaque. Les palpitations peuvent précéder également une syncope d’étiologie vagale.
  • Des mouvements tonico-cloniques peuvent survenir à la fin de la syncope vasovagale. Ils sont généralement d’une durée brève et sans phase post-ictale. Ils sont la conséquence de l’hypoperfusion cérébrale brève liée à l’hypotension. S’ils surviennent dès le début de la syncope, ils doivent faire penser à une étiologie neurologique.
  • Une syncope associée à une incontinence urinaire ou fécale, à une morsure de la langue ou à une déviation des yeux doit faire suspecter une origine neurologique telle une convulsion.
  • La syncope vasovagale est généralement brève, souvent moins d’une à 2 minutes. Un événement prolongé devrait faire suspecter une autre cause telle une étiologie neurologique ou psychologique.
  • Une confusion post syncope doit faire suspecter une convulsion ou une étiologie toxique
  • Une syncope est associée à une amnésie de l’évènement. Sinon ce peut être une lipothymie ou un trouble factice.

Examen physique ciblé

L’examen physique est souvent peu contributif. Mais l’examen cardiaque ou neurologique pourraient révéler les rares causes de cardiopathies structurales ou des maladies neurologiques.

On vérifie en particulier:

  • SV avec glycémie
  • TA couchée/debout: à 3 min:
    • Hypotension orthostatique: chute de TA syst plus de 20 mmHG et TA diast plus de 10 mmHg
    • Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome : augmentation FC plus de 40 sans chute de TA
  • État général: coloration, perfusion/hydratation
  • Examen cardiaque: souffle, B3, B4, galop, hépatomégalie, surcharge pulmonaire
  • Examen neuro sommaire
  • Rechercher lésions secondaires si chute associée
  • Morsure de langue + ou – incontinence (convulsion)

Investigations

Aucune investigation n’est nécessaire si l’évaluation suggère une syncope vasovagale sans facteur de risque. Un ECG amène rarement une plus value dans ces cas.

Un ECG est indiqué dans les situations suivantes :

  • Les circonstances de survenue ne sont pas évocatrices d’une syncope vasovagale et
  • Présences d’éléments qui suggèrent une étiologie cardiaque :
    • Absence de prodrome
    • Syncope à l’effort
    • Syncope déclenchée par sursaut ou saut en eau froide
    • Antécédents personnels cardiaques ou familiaux de mort subite ou de maladie cardiaque précoce
    • Examen physique anormal
    • Prise de médicaments potentiellement cardiotoxiques

Si une cause cardiaque est suspectée, un ECG normal n’élimine pas le besoin d’une investigation plus poussée en cardiologie, tels une échographie cardiaque, un monitoring électrocardiographique prolongé et une épreuve d’effort.

L’ECG en pédiatrie présente des caractéristiques différentes de l’adulte qui sont attribuables à la différence de volume des cavités cardiaques et de la masse ventriculaire ainsi qu’à la prédominance du cœur droit. Progressivement, l’ECG se modifie vers un ECG adulte, vers 14 ans environ, avec prédominance du cœur gauche.

Les modifications de l’ECG pédiatrique par rapport à l’ECG adulte se caractérisent par :

  • Une augmentation progressive des intervalles (P, PR, QRS)
  • Un déplacement de l’axe du QRS avec initialement une prédominance droite qui se modifie progressivement vers la gauche de la naissance à l’adolescence.
  • Une onde Q qui peut doubler d’amplitude entre la naissance et 6 mois et rester ample jusqu’à 5-6 ans.
  • Une onde R qui va progressivement, avec la croissance, diminuer d’amplitude en V1 pour augmenter d’amplitude en V6 et inversement pour l’onde S.
  • Une onde T positive dans la plupart des dérivations jusqu’à fermeture du canal artériel. A partir du 7e jour de vie, les ondes T doivent être négatives de V1 à V3 et se positiveront vers l’âge de 12-14 ans environ (pattern juvénile). Une onde T positive en V1 entre une semaine de vie et l’adolescence est un signe absolu d’hypertrophie ventriculaire droite. Les ondes T sont toujours positives en V5 et V6.
ECG normal enfant de 5 ans.  Tiré de: L’ECG pédiatrique par Dr A Fournier https://www.urgencehsj.ca/?s=ecg
ECG normal enfant de 15 ans. L’ECG pédiatrique par AF.

Voir aussi:

Guide ECG pédiatrique- https://www.urgencehsj.ca/protocoles/ecg-pediatrique/

Dans Nos Savoir- L’interprétation de l’ECG pédiatrique par Dre Anne Fournier

Dans Nos Outils- ECG pédiatrique, valeurs normales

Une investigation neurologique doit être envisagée si une étiologie neurologique est suspectée.

Lorsque les autres causes ont été éliminées et qu’une étiologie psychogénique est suspectée, elle devra être adressée et les causes psychosociales sous-jacentes prises en charge.

PRISE EN CHARGE

Traitement

Pour la plupart des patients qui présentent des syncopes d’origine vaso-vagale,  les modifications du mode de vie sans médication suffisent pour prévenir les récurrences.

Lorsque les syncopes vaso-vagales sont fréquentes, envisager:

  • Augmenter consommation de liquide et de sodium;
  • Bien s’alimenter et collations salées;
  • Les breuvages caféinés peuvent aider à maintenir une TA adéquate;
  • Enseigner les techniques de prévention: bouger fréquemment lors de position debout prolongée, effectuer des contractions isométriques des membres (manoeuvre de pompage);
  • Enseigner les techniques pour éviter la syncope lorsque le prodrome s’installe: s’allonger, surélever les MI, boire un liquide froid, appliquer du froid au niveau du cou et du visage.
  • Rarement une médication peut être proposée lors de syncopes vagales récidivantes malgré les mesures de bases.

Référer en cardiologie

  • Les syncopes suggérant une étiologie cardiaque (voir Section Évaluation. Par ex. : Per effort/sursaut/saut eau froide, subite et sans prodrome, avec palpitations/DRS, prise Rx cardiotoxique, examen cardiaque anormal, ECG anormal, atcd personnel malformation cardiaque ou familial de maladie cardiaque précoce/mort subite)

Référer en neurologie

  • Les syncopes suggérant une étiologie neurologique (voir Section Évaluation. Par ex. : Prolongée, avec incontinence ou morsure langue, post ictale, déviation du regard, mouvements tonico-cloniques dès le début)

Voir également: Canadian Cardiovascular Society and Canadian Pediatric Cardiology Association Position Statement on the Approach to Syncope in the Pediatric Patient

R Blondin (urgence), N Lucas (urgence), A Fournier (cardiologie)

Révisé EDT

En ligne Novembre 2022